Ses livres partout traduits et son engagement contre le racisme et le sexisme en Afrique et dans le monde ont fait de Chimamanda Ngozi Adichie, non seulement une grande dame de la littérature nigériane, dans la lignée de Chinua Achebe et de Wole Soyinka, mais aussi l’une des personnalités africaines les plus influentes qui soient, véritable icône internationale que l’on s’arrache pour des conférences et des entretiens. Multi-consacrée par les reconnaissances les plus prestigieuses – elle est notamment membre de l’Académie américaine des arts et des lettres –, elle est citée
comme l’un des plus grands auteurs de sa génération, la BBC citant en 2019 L’autre moitié du soleil, son livre jugé le plus réussi, parmi les « 100 romans qui ont façonné le monde ».
L’autre moitié du soleil, c’est la terrible histoire du Biafra, cette éphémère république née en 1967 de la sécession de la partie sud-est du Nigeria, qui choisit de frapper son drapeau du symbole d’un demi-soleil. Oscillant entre le début et la fin des années soixante, le récit évoque l’euphorie post-indépendance du Nigeria, vite empoisonnée par les graines de zizanie germées de l’artificiel découpage des frontières du pays par les puissances coloniales européennes, et s’appesantit sur la courte existence du Biafra, réintégré – avec ses précieux gisements de pétrole – dans le giron nigérian après trois ans d’une guerre civile et d’un blocus qui devaient faire périr, de la famine bien plus encore que des combats, plus d’un million de Biafrais, majoritairement de l’ethnie Ibo.
Dans ce cadre historique où vient d’ailleurs s’inscrire l’histoire familiale de l’auteur – ses deux grands-pères n’ont pas survécu aux camps de réfugiés du Biafra –, le lecteur est emporté par le souffle romanesque d’une fiction peuplée d’une myriade de personnages gravitant autour de deux sœurs jumelles, Olanna et Kainene, issues de l’ethnie Ibo en même temps que des classes aisées nigérianes. La première, liée à l’universitaire Odenigbo, évolue au coeur de l’intelligentsia du pays, tandis que la seconde, unie à Richard, un Anglais blanc bien décidé à devenir aussi Ibo que possible, se démène pour reprendre la gestion des entreprises paternelles. La tourmente s’abattant bientôt sur leur monde, Richard, devenu peu à peu correspondant de guerre, tentera d’intéresser la presse internationale au sort du Biafra. Mais c’est Ugwu, un jeune et pauvre villageois entré au service d’Olanna et Odenigbo, qui entreprendra véritablement la relation, de l’intérieur, du calvaire des Ibos et des Biafrais, étape essentielle pour que cette histoire ne devienne pas le trou noir de la mémoire nigériane, et pour que les traumatismes puissent trouver les moyens de guérir un jour.
« Imagine des enfants aux bras comme des allumettes, Le ventre en ballon de foot, peau tendue à craquer. C’était le kwashiorkor – mot compliqué, Un mot pas encore assez hideux, un péché. » « Ugwu l’avait remercié et avait secoué la tête en réalisant que jamais il ne pourrait traduire cet enfant sur le papier, jamais il ne pourrait décrire assez fidèlement la peur qui voilait les yeux des mères au camp de réfugiés quand les bombardiers surgissaient du ciel et attaquaient. Il ne pourrait jamais décrire ce qu’il y avait de terriblement lugubre à bombarder des gens qui ont faim. »
Preuve par l’exemple que, pour reprendre les mots de l’auteur, « Il est temps que les Africains racontent eux-mêmes leurs histoires. », ce livre cathartique, parfois qualifié de tolstoïen, participe du devoir de mémoire, alors que le Nigeria, mal cicatrisé, peine encore à trouver son unité. C’est aussi une œuvre romanesque portée par un grand souffle, que l’on peut retrouver au cinéma puisqu’elle fut adaptée au grand écran en 2013, sous le même titre, par l’écrivain et réalisateur anglo-nigérian Biyi Bandele.
Tragique histoire du Biafra
Ses livres partout traduits et son engagement contre le racisme et le sexisme en Afrique et dans le monde ont fait de Chimamanda Ngozi Adichie, non seulement une grande dame de la littérature nigériane, dans la lignée de Chinua Achebe et de Wole Soyinka, mais aussi l’une des personnalités africaines les plus influentes qui soient, véritable icône internationale que l’on s’arrache pour des conférences et des entretiens. Multi-consacrée par les reconnaissances les plus prestigieuses – elle est notamment membre de l’Académie américaine des arts et des lettres –, elle est citée comme l’un des plus grands auteurs de sa génération, la BBC citant en 2019 L’autre moitié du soleil, son livre jugé le plus réussi, parmi les « 100 romans qui ont façonné le monde ».
L’autre moitié du soleil, c’est la terrible histoire du Biafra, cette éphémère république née en 1967 de la sécession de la partie sud-est du Nigeria, qui choisit de frapper son drapeau du symbole d’un demi-soleil. Oscillant entre le début et la fin des années soixante, le récit évoque l’euphorie post-indépendance du Nigeria, vite empoisonnée par les graines de zizanie germées de l’artificiel découpage des frontières du pays par les puissances coloniales européennes, et s’appesantit sur la courte existence du Biafra, réintégré – avec ses précieux gisements de pétrole – dans le giron nigérian après trois ans d’une guerre civile et d’un blocus qui devaient faire périr, de la famine bien plus encore que des combats, plus d’un million de Biafrais, majoritairement de l’ethnie Ibo.
Dans ce cadre historique où vient d’ailleurs s’inscrire l’histoire familiale de l’auteur – ses deux grands-pères n’ont pas survécu aux camps de réfugiés du Biafra –, le lecteur est emporté par le souffle romanesque d’une fiction peuplée d’une myriade de personnages gravitant autour de deux sœurs jumelles, Olanna et Kainene, issues de l’ethnie Ibo en même temps que des classes aisées nigérianes. La première, liée à l’universitaire Odenigbo, évolue au coeur de l’intelligentsia du pays, tandis que la seconde, unie à Richard, un Anglais blanc bien décidé à devenir aussi Ibo que possible, se démène pour reprendre la gestion des entreprises paternelles. La tourmente s’abattant bientôt sur leur monde, Richard, devenu peu à peu correspondant de guerre, tentera d’intéresser la presse internationale au sort du Biafra. Mais c’est Ugwu, un jeune et pauvre villageois entré au service d’Olanna et Odenigbo, qui entreprendra véritablement la relation, de l’intérieur, du calvaire des Ibos et des Biafrais, étape essentielle pour que cette histoire ne devienne pas le trou noir de la mémoire nigériane, et pour que les traumatismes puissent trouver les moyens de guérir un jour.
« Imagine des enfants aux bras comme des allumettes, Le ventre en ballon de foot, peau tendue à craquer. C’était le kwashiorkor – mot compliqué, Un mot pas encore assez hideux, un péché. » « Ugwu l’avait remercié et avait secoué la tête en réalisant que jamais il ne pourrait traduire cet enfant sur le papier, jamais il ne pourrait décrire assez fidèlement la peur qui voilait les yeux des mères au camp de réfugiés quand les bombardiers surgissaient du ciel et attaquaient. Il ne pourrait jamais décrire ce qu’il y avait de terriblement lugubre à bombarder des gens qui ont faim. »
Preuve par l’exemple que, pour reprendre les mots de l’auteur, « Il est temps que les Africains racontent eux-mêmes leurs histoires. », ce livre cathartique, parfois qualifié de tolstoïen, participe du devoir de mémoire, alors que le Nigeria, mal cicatrisé, peine encore à trouver son unité. C’est aussi une œuvre romanesque portée par un grand souffle, que l’on peut retrouver au cinéma puisqu’elle fut adaptée au grand écran en 2013, sous le même titre, par l’écrivain et réalisateur anglo-nigérian Biyi Bandele.