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" C'est vers ce moment-là que la porte s'est mise à battre. Le bois tremblait sous les coups. Le rabat intérieur de la boîte aux lettres, en plaqué laiton, a tremblé lui aussi. Même les fourchettes et couteaux, dans
leur tiroir ouvert, et la vaisselle dans l'égouttoir, ont comme vibré un instant. Personne ne venait jamais à une heure pareille. Début de soirée, par le mois d'août le plus chaud de mémoire humaine.
De l'autre côté de la porte, sur le seuil au milieu de nulle part, se tenait une histoire que tout le monde connaissait déjà.
Et la forme que prenait cette histoire, le soir en question, comme on dit ? Essoufflée, la peau sur les os, une fille d'une douzaine d'années. Elle avait le ventre, le sternum et la naissance des côtes à l'air.
On aurait dit quelqu'un qui n'a pas mangé correctement ni respiré d'air
frais depuis des années. Elle avait les dents jaunes, les ongles noirs et trop longs. Sa peau était brûlée par le soleil, à l'exception de lignes blanches à l'emplacement des bretelles.
Elle était marquée par endroits, aussi, sa peau : des égratignures, des plis, des stries de crasse et des mots."
Au moment où il ouvre sa porte à la gamine terrifiée qui y frappe, le narrateur de cette histoire – un prêtre d'une cinquantaine d'années – sent que rien ne sera plus pareil.
Le père de la petite fille a disparu, ainsi que sa mère et sa tante uparavant. La police, qui finit par arriver, connaît cette famille pas comme les autres, revenue depuis peu en Irlande après un long séjour ailleurs, certainement en Allemagne.
Le prêtre avait essayé de leur rendre visite, dans le pavillon témoin du lotissement inachevé – comme il y en a tant en Irlande désormais – où ils s'étaient installés.
Mais personne ne sait vraiment qui ils sont. Et les bribes de confidences livrées par la petite fille, dans son anglais aux intonations bizarres, n'en révéleront pas beaucoup plus sur l'atmosphère étrange de la maison : les portes y claquent sans raison, l'électricité est soudain coupée,
des objets se volatilisent, avant les habitants eux-mêmes… Tout cela sous une chaleur caniculaire, où le temps s'étire en d'insolites séances de bronzage, où des mots apparaissent, écrits sur la poussière des fenêtres, et où l'irrespirable air nocturne est empli de bruits inexpliqués.
Même le prénom de la gamine reste mystérieux : est-ce le sien ? celui de sa Mutti ? Pourquoi les membres de sa famille se sont-ils évaporés l'un après l'autre ? La petite Helen, à supposer qu'elle se nomme ainsi, dit-elle seulement la vérité ? Toute la force du poète Conor O'Callaghan, dans cet intrigant premier roman, est de laisser planer le doute sur les ressorts du psychodrame familial qui s'y joue, et sur les conséquences qu'il aura, notamment sur la personne du prêtre, a posteriori accablé d'avoir dû recueillir la petite fugitive.
Rien d'autre sur terre
On frappe à la porte.
C’est le début de soirée. L’été est caniculaire.
Une jeune fille, 12 ans, sale, abimée, avec des mots écrits sur le corps, maigre comme une cause sans idée, fait irruption dans la vie du narrateur.
Un roman inquiétant, animé de forces invisibles, de murmures sibyllins, d’apparitions sépulcrales.
Une langue toute en tension, des phrases sur le fil, des sentiments abrasifs.
Secrets, non-dits et ambiances intrigantes, le doute plane, les disparitions se multiplient.
Conor O’Callaghan sait, avec cette écriture solaire faite de sensations et de ressentis, tresser son histoire comme une malle de secrets enfouis, prompt à nous suspendre à ces lèvres closes dont n’émane que la partie visible de l’imperceptible.
On se laisse guider par les rênes de cette atmosphère évanescente. Envoutante et magnétique.