Dans un futur proche et un lieu indéfini qui pourrait être le Québec, un village déjà isolé par une dense forêt se retrouve complètement coupé du monde, en plein hiver, par un black-out général qui vient de priver le pays d’électricité : bloqués par la neige, les villageois doivent soudain affronter les rudes conditions climatiques quasiment comme au temps jadis, cloîtrés auprès de leurs feux de bois, avec pour seule nourriture les provisions accumulées aux beaux jours.
Alors que le village organise tant bien que mal sa survie, deux hommes qui ne se connaissent pas sont
contraints à la cohabitation, dans la dépendance d’une habitation désertée et située un peu à l’écart. Ils font figure de Robinsons échoués là par erreur : le plus jeune revenait voir son père après des années d’absence, quand un accident de voiture lui a broyé les jambes et l’a coincé au village. Le plus âgé n’a qu’une hâte : partir rejoindre sa vieille épouse malade, restée seule en ville.
Ce qui se passe en dehors du village naufragé, et dont on ne saura rien, n’est pas le sujet du roman, mais plutôt une sorte de prétexte pour nous enfermer dans un huis-clos forcé. A vrai dire, il ne se passe pas grand-chose, sinon une longue attente incertaine dans un cocon de blancheur froide et dangereuse, où la moindre imprudence peut très vite devenir fatale.
Alors que le monde s’est rétréci à leur petite bulle de survie, cernée par l’envahissante et irrépressible marée blanche dont ils suivent le flux et le reflux sur les graduations de leur poteau à neige, les deux hommes luttent plus ou moins patiemment contre le froid, la faim et l’ennui. S’entraidant et se déchirant au fil de leurs angoisses, irrémédiablement seuls face à eux-mêmes malgré leur promiscuité, ils se débattent contre leur présent avec une seule obsession : quitter cet endroit dès que possible, même si l’ailleurs est peut-être pire, car rien ne leur parvient de l’état du monde au-delà de leur forêt.
Comme Dédale et Icare cités en introduction de chaque chapitre, les héros de ce roman ne vivent que pour partir, à la recherche d’un autre chose qu’ils ignorent mais dont ils attendent tout : et si, là-bas, les guettait bien pire que le poids de la neige ?
Cette fable glacée m’a laissée sur la frustration de nombreuses questions posées et restées sans réponse. Alors, reste en consolation le souvenir d’impressionnants décors de neige, dans une nature imperturbable qui se moque bien du bouillonnement des états d’âme humains.
Il neige
Il neige, à l'infini, presque sans discontinuer et deux hommes se retrouvent par hasard enfermés dans une maison au sein d'une forêt profonde et solitaire. L'un soigne l'autre. Ils semblent seuls au monde. Au fil de l'histoire, les choses évoluent et le talent de l'auteur réside dans le fait de parvenir à nous tenir en alerte malgré l'engourdissement qui pourrait nous saisir dans ce monde aux sons étouffés par cette neige qui monte, qui monte...Ce texte servi par une écriture dénuée de toute fioriture, brute, à l'image de la nature qui sert d'écrin à l'histoire nous saisit et nous emporte dans les corps de ces deux personnages, comme si nous y étions !