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"Cela s'était fait progressivement. Pour en arriver là. Sans qu'elle s'en rende vraiment compte. Sans qu'elle puisse aller contre. Elle se souvient du regard des gens, de la peur dans leurs yeux. Elle se souvient de ce sentiment de puissance qui repoussait toujours plus loin les limites du jeûne et de la souffrance. Les genoux qui se cognent, des journées entières sans s'asseoir. En manque, le corps vole au-dessus des trottoirs.
Plus tard, les chutes dans la rue, dans le métro, et l'insomnie qui accompagne la faim qu'on ne sait plus reconnaître. Et puis le froid est entré en elle, inimaginable. Ce froid qui lui disait qu'elle était arrivée au bout et qu'il fallait choisir entre vivre et mourir".
Sensible, auteur prométeur
Publié à l’origine sous un pseudonyme, Jours sans faim paraitra ensuite sous la véritable identité de son auteur. Delphine de Vigan se cache derrière Laure, la narratrice, pour expliquer, son combat contre l’anorexie. Ce texte est court ; l’écriture est incisive, presque précipitée. J’ai perçu dans cette façon d’écrire le souffle de vie qu’il manquait à Laure.
Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle entre ce premier roman, et le dernier ouvrage de l’auteur. Sa mère y est présente, mais de manière radicalement déférente. Ici Laure va s’attacher à comprendre ce qui l’a amenée à l’anorexie ; sa relation avec sa mère, le passé de sa mère y est pour beaucoup. Dix ans plus tard, c’est un rapport apaisé à la mère. C’est comme un cycle qui s’achève, un niveau départ.
J’ai apprécié l’absence de misérabilisme, la pudeur pour dire les choses, pour faire part de sa souffrance au quotidien, de sa lutte contre son double - Lanor, et, de son envie malgré tout de se sortir de là.
Ce premier ouvrage, contient déjà la sensibilité et la faculté à émouvoir que j’ai appréciée dans Rien ne s’oppose à la nuit.