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Dans un univers infini, on ne peut nommer Dieu de manière adéquate en portant à leur maximum les perfections naturelles ; l'infinité divine ne saurait transcender l'infinité cosmique que sous le rapport de la puissance. Dieu est tout ce qu'il peut être, alors que la créature, prise dans le réseau de ses déterminations, n'est "ceci" qu'en n'étant point "cela". Dieu est sans altérité, tandis que les créatures se posent respectivement dans leurs différences.
N'est-il pas la forme totale, cette forme des formes, en laquelle toutes se tiennent de façon plus vraie et plus vigoureuse que dans la matière qui, pour individuer, doit déterminer ? Dès lors, c'est un " pouvoir-est " (possest) désignant la pleine actualité de la toute-puissance, qui nomme Dieu de la façon la plus approchée. Nicolas de Cues ne se contente pas d'enrichir le riche écrin des noms divins d'une nouvelle appellation, il déplace violemment, sans en trahir l'esprit, le dilemme aristotélicien.
Faute de se pouvoir traduire dans l'antonymie de la forme et de la matière, la création du monde ne se peut comprendre que dans l'adéquation en Dieu de la puissance et de l'acte, suprême dérogation à l'ordre des choses, qui souligne la disproportion du monde à Dieu, frappe l'univers de précarité et le réduit à n'être plus que l'expression du Créateur. Paradoxalement, on assiste, au moment même où on croyait l'avoir perdu, à une magistrale ressaisie de l'héritage médiéval et à une appropriation qui le réinterprète en l'ancrant dans une spiritualité nouvelle, revisitant les grands dogmes chrétiens redécouverts par la devotio moderna.
Dernier des médiévaux, Nicolas de Cues demeure sur le seuil de la modernité, comme aussi sur le seuil de l'aventure spirituelle.