Cet archétype du privé alcoolique, dépressif, englué dans un chagrin d’amour m’a un peu rafraîchi au début. Je lui donnais jusqu’à son arrivée au Japon avec Yukiko, son ex-belle pour. Bien m’en a pris, car Thomas B. Reverdy a sorti sa palette d’écrivains pour raconter le japon actuel englué dans les suites de la catastrophe nucléaire de Fukushima, de l’emprise des Yakusas, ce syndicat du crime qui dirige tout, de l’inertie, voire pire, des hommes politiques à tous les niveaux.
Les évaporés. Quel joli mot pour parler de ces personnes qui décident de disparaître
pour une quelconque, surtout une très bonne, raison. Il serait malvenu et malséant d’alerter la police, les voisins, de lancer des recherches, la honte serait sur vous. C’est la raison de l’arrivée au Japon de Yukiko et Richard pour tenter de retrouver son père. Tous ces évaporés, ces johatsu, fournissent le gros des troupes chargées de déblayer les alentours de la centrale et toute cette région du nord dévastée par le tsunami.
Le comportement des japonais est une énigme pour moi. Votre patron peut vous inviter dans un grand bar avec des filles simplement pour vous annoncer votre licenciement !
Le quartier de San’ya est le quartier des évaporés, tout le monde le sait, mais chacun se tait et fait comme si…
Richard B. part à la recherche du père de Yukiko et, chemin faisant, rencontre le « monde flottant ». Pour moi, cela sent les bateaux, la vie sur l’eau… et bien non ! « C’est ainsi qu’on appelle la société des vagabonds, des brigands, des prostitués et des moines errants, des comédiennes comme moi »
Vous voulez un job d’étudiant au Japon ? Louez, gratuitement, le logement abandonné d’un johatsu afin que le propriétaire puisse le relouer ensuite. « Un johatsu dans une maison, c’est comme un suicide. Vous ne la relouez pas facilement. Ce n’est pas considéré comme une maison hantée, mais il y a un peu de ça : le malheur porte malheur. »
Partir, fuir pour mieux revenir ou repartir ? Ce livre est également celui de la renaissance. Yukiko va renaître à son pays, Akainu, le gamin osera, avec l’aide et le soutien très ferme de Kaze, partir à la recherche de ses parents, Kaze, lui, se créé une toute nouvelle vie. Seul Richard B. repartira chez lui comme il est venu, en compagnie des textes de Richard Brautigan.
Avec beaucoup de délicatesse et de poésie, dans un Japon submergé par la catastrophe, Thomas B. Reverdy explore les âmes humaines et leurs désirs d’ailleurs, le désir de fuite et de tout recommencer, d’effacer l’ardoise pour certains.
Malgré un début hésitant, j’en fais un coup de cœur, c’est dire si cette lecture m’a séduite.
Emouvant
Thomas B. Reverdy écrit bien, très bien. Agrémenté de-ci, de-là, de phrases extraites de la poésie et de la prose de Richard Brautigan, son texte n’en est que plus fort.
Il nous emmène au Japon avec son personnage de détective privé un peu paumé, à la recherche du père de son ancienne petite amie, lequel s’est « évaporé ». A la recherche surtout de lui-même, d’un sens à donner à sa vie, tiraillé qu’il est par le passé, ce qui fut, ce qui aurait pu être, ce qui n’a pas été.
Dans un décor apocalyptique d’après tsunami et accident nucléaire, la beauté des mots se charge de nous faire voyager avec lui.