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Un grand peuple assailli par la guerre n'a pas seulement ses frontières à défendre : il a aussi sa raison. Il lui faut la sauver des hallucinations, des injustices, des sottises, que le fléau déchaîne. A chacun son office : aux armées, de garder le sol de la patrie. Aux hommes de pensée, de défendre sa pensée. S'ils la mettent au service des passions de leur peuple, il se peut qu'ils en soient d'utiles instruments ; mais ils risquent de trahir l'esprit, qui n'est pas la moindre part du patrimoine de ce peuple.
Un jour, l'histoire fera le compte de chacune des nations en guerre ; elle pèsera leur somme d'erreurs, de mensonges et de folies haineuses. Tâchons que devant elle la nôtre soit légère ! On apprend à l'enfant l'Evangile de Jésus ! L'idéal chrétien. Tout, dans l'éducation qu'il reçoit à l'école, est fait pour stimuler en lui la compréhension intellectuelle de la grande famille humaine. L'enseignement classique lui fait voir, par-delà les différences de races, les racines et tronc communs de notre civilisation.
L'art lui fait aimer les sources profondes du génie des peuples. La science lui impose la foi dans l'unité de la raison. Le grand mouvement social qui renouvelle le monde lui montre autour de lui l'effort organisé des classes travailleuses pour s'unir en des espoirs et des luttes qui brisent les barrières des nations. Les plus lumineux génies de la terre chantent, comme Walt Whitman et Tolstoï, la fraternité universelle dans la joie ou la souffrance, ou, comme nos esprits latins, percent de leur critique les préjugés de haine et d'ignorance qui séparent les individus et les peuples.