Un drapeau et une poignée de baraquements dans l’étendue arctique : c’est là, sur la base militaire de Solak, que cohabitent péniblement le climatologue Grizzly et deux engagés au passé trouble, Roq et Piotr. L’arrivée d’un jeune soldat stressé, difficile à cerner et muet, juste avant que ne commence la grande nuit de l’hiver arctique, vient bousculer le précaire équilibre du petit groupe. La tension devient si explosive que le drame semble inéluctable.
La couverture plante le décor, les premiers mots nous y jettent. Nous voilà brutalement livrés aux conditions extrêmes
d’un territoire sauvage et glacé, bientôt prisonniers de la nuit âpre et sans fin de l’hiver polaire où tout est danger, au physique comme au moral. Car, tandis que blizzards, crevasses et ours risquent à tout instant de ne faire des hommes qu’une bouchée, l’ennui et la promiscuité du confinement ont de quoi ébranler les nerfs les plus solides. Alors, quand s’éloigne le dernier hélicoptère ravitailleur avant l’embâcle et la nuit polaire, c’est comme un couvercle d’angoisse et de tension qui s’abat sur le lecteur et les exilés de Solak.
Livrés à eux-mêmes loin de toute civilisation, les hommes ne tardent pas à se révéler dans leur vérité la plus nue. Si Grizzly est un idéaliste totalement investi de sa mission écologiste, les autres ont tous échoué ici pour de sombres raisons. Roq n’est que rapport de force et brutalité, la jeune recrue méfiance et tension nerveuse, pendant que Piotr, le plus âgé et le plus expérimenté puisqu’il survit à Solak depuis vingt ans, cache sous sa rugosité désabusée, la blessure et la culpabilité d’un passé dont il semble chercher malgré lui une forme de rédemption. C’est sa voix, brutale et crue, qui nous raconte sans ménagements et avec la force de sa colère, cette implacable histoire dont l’ultime, et pourtant attendue, déflagration prendra tout le monde au dépourvu.
Les mots de Piotr, sortis sans apprêt des tripes de cet homme, ont la puissance de carreaux d’arbalète. Directs, à l’os, ils s’enchaînent sans respiration dans une montée d’angoisse dont on sait d’avance qu’elle mène à une tragédie plusieurs fois annoncée. Mais, surtout, ils sont illuminés d’une beauté singulièrement poétique malgré leur expression brute et parfois triviale, si sincère et si spontanée. Innombrables sont les phrases que l’on s’attarde à relire dans une délectation stupéfaite et éblouie, avec la certitude de découvrir, dans ce premier roman, une plume d’exception dont on attendra avec impatience les prochaines productions.
Cette petite merveille de livre rejoint sans coup férir la très sélective liste de mes coups de foudre.
Coup de coeur absolu
Un drapeau et une poignée de baraquements dans l’étendue arctique : c’est là, sur la base militaire de Solak, que cohabitent péniblement le climatologue Grizzly et deux engagés au passé trouble, Roq et Piotr. L’arrivée d’un jeune soldat stressé, difficile à cerner et muet, juste avant que ne commence la grande nuit de l’hiver arctique, vient bousculer le précaire équilibre du petit groupe. La tension devient si explosive que le drame semble inéluctable.
La couverture plante le décor, les premiers mots nous y jettent. Nous voilà brutalement livrés aux conditions extrêmes d’un territoire sauvage et glacé, bientôt prisonniers de la nuit âpre et sans fin de l’hiver polaire où tout est danger, au physique comme au moral. Car, tandis que blizzards, crevasses et ours risquent à tout instant de ne faire des hommes qu’une bouchée, l’ennui et la promiscuité du confinement ont de quoi ébranler les nerfs les plus solides. Alors, quand s’éloigne le dernier hélicoptère ravitailleur avant l’embâcle et la nuit polaire, c’est comme un couvercle d’angoisse et de tension qui s’abat sur le lecteur et les exilés de Solak.
Livrés à eux-mêmes loin de toute civilisation, les hommes ne tardent pas à se révéler dans leur vérité la plus nue. Si Grizzly est un idéaliste totalement investi de sa mission écologiste, les autres ont tous échoué ici pour de sombres raisons. Roq n’est que rapport de force et brutalité, la jeune recrue méfiance et tension nerveuse, pendant que Piotr, le plus âgé et le plus expérimenté puisqu’il survit à Solak depuis vingt ans, cache sous sa rugosité désabusée, la blessure et la culpabilité d’un passé dont il semble chercher malgré lui une forme de rédemption. C’est sa voix, brutale et crue, qui nous raconte sans ménagements et avec la force de sa colère, cette implacable histoire dont l’ultime, et pourtant attendue, déflagration prendra tout le monde au dépourvu.
Les mots de Piotr, sortis sans apprêt des tripes de cet homme, ont la puissance de carreaux d’arbalète. Directs, à l’os, ils s’enchaînent sans respiration dans une montée d’angoisse dont on sait d’avance qu’elle mène à une tragédie plusieurs fois annoncée. Mais, surtout, ils sont illuminés d’une beauté singulièrement poétique malgré leur expression brute et parfois triviale, si sincère et si spontanée. Innombrables sont les phrases que l’on s’attarde à relire dans une délectation stupéfaite et éblouie, avec la certitude de découvrir, dans ce premier roman, une plume d’exception dont on attendra avec impatience les prochaines productions.
Cette petite merveille de livre rejoint sans coup férir la très sélective liste de mes coups de foudre.