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Clarice Lispector travaille « dans l'imprécision blanche de l'Intervalle », entre la vie et la vie. Ce premier roman est l'aventure de Joana, fille d'une mère « pleine de pouvoirs et de maléfices », indépendante, obstinée, le diable en personne, tôt disparue, et d'un père lointain et distrait. Joana, c'est la légèreté, l'amour - cette force en elle qui démasque les faux-semblants -, la liberté « même si elle est peu de chose au regard de ce qu'elle désire et qui n'a pas encore de nom ».
Renoncement, passion, révélation, illumination, transformation.
Ces mots qui pourraient paraître présomptueux ou maladroits, Clarice Lispector en use avec une assurance et une humilité confondantes. Le miracle est qu'ils nous apparaissent comme les seuls aptes à rendre compte de la quête qu'elle a poursuivie de livre en livre, celle d'une vérité qui jaillit de la réconciliation de l'intelligence et du corps.
« Elle était si vulnérable. Se haïssait-elle pour cela? Non, elle se haïrait plus si elle était déjà un tronc immuable jusqu'à la mort, capable de seulement donner des fruits mais non de croître à l'intérieur d'elle-même.
Elle désirait encore plus : renaître toujours, couper tout ce qu'elle avait appris, ce qu'elle avait vu, et s'inaugurer dans un nouveau terrain où le moindre petit acte aurait un sens, où l'air serait respiré comme pour la première fois. Elle avait la sensation que la vie courait épaisse et lente en elle, bouillonnant comme une chaude couche de lave. » C. L.
Près du cour sauvage, premier roman de Clarice Lispector, publié alors qu'elle n'a que 23 ans, la fait immédiatement connaître du grand public tandis que la critique salue la naissance d'une grande écrivaine, la comparant à Virginia Woolf et à James Joyce.? Pour sa cinquième édition, ce livre est réédité avec une nouvelle traduction en décembre 2018.
Au plus profond
C'est l’histoire d'une femme, une histoire banale, presque anecdotique, si on s'en tient aux seuls faits. Mais le plus important, l'intérêt majeur de ce roman, réside dans la façon dont les sensations, les réflexions, l'expérience intérieure de la protagoniste sont racontés.
Des bruits multiples du quotidien, – une horloge, une machine à écrire, et celui du silence – liés par la lumière et le mouvement des feuilles dans un arbre, aux mouvements de l'être qui des profondeurs renaît à chaque combat tel un cheval nouveau, voilà qu'une femme nous dévoile son monde, tout en tremblement et en puissance.
Rimbaud disait quelque part qu'une fois brisé le servage infini de la femme, une fois qu'elle vivrait pour elle et par elle, elle trouverait de l'inconnu. « Ses mondes d'idées différeront-ils des nôtres ? », se demandait-il, pour conclure : « Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses ; nous les prendrons, nous les comprendrons. »
Mon exemplaire, qui m'accompagne depuis vingt ans, témoigne de mon affection et de mon étonnement devant ce texte : à chaque page, ou presque, on trouve une façon de dire le monde qui bouleverse et met en branle notre façon de voir les choses.