(Quentin Leclerc)
Cette petite oeuvre dense et précise traite de la condition humaine, vue par un échantillon d’elle-même (Bram), ainsi que par un oeil extradiégétique (le narrateur), qui replace cette condition humaine au même rang que la condition animale ou végétale : mue par des émotions et drames dont l’importance se perd dans l’immensité du temps et de l’espace. Aimantée par un trou noir - ou par des forces d’autodestruction. Tous les protagonistes, qu’ils soient humains ou éléments de la nature, sont mis au même niveau. Y compris le seul actant nommé,
fil conducteur d’un écheveau dont il n’est qu’un fil, sans plus d’importance que les autres fils - y compris ceux qui se croient très importants.
Dès les premières lignes on est frappé par le classicisme apparent de l’écriture, tout à fait atypique si l’on considère qu’il s’agit d’une publication de 2017, de surcroît produite par un tout jeune écrivain (26 ans). L’exceptionnelle économie de moyens évoque le Pragmatisme : « Cela n’est pas tout à fait exact, mais l'est autant qu'il se peut faire en aussi peu de mots que possible. » (Charles Sanders PEIRCE). Ici, chaque mot a son importance, rien n’est ornement. Tout ce qui est dit est essentiel, extrêmement structuré. On pense également à l’école objectiviste, où l’auteur vise à s’extraire le plus possible de ce qui est dit : des faits, uniquement des faits.
Sauf qu’ici, ces faits sont fluctuants, sont ou ne sont pas, se réécrivent, car les frontières glissent et se dérobent. Frontières des faits, du temps, de l’espace, des apparences, des visages, de la vie et de la mort. L’extrême structure du roman intervient dans un monde dont la structure même semble fondre. Car si, comme nous le précise le titre, « La ville fond », le temps lui aussi semble fondre, à la façon des « Montres molles » de Dali. À cette distorsion du temps s’ajoute celle de l’espace.
La conjonction de ces trois éléments (neutralité du narrateur / distortion du temps et de l’espace / absurdité des situations) nous plonge en plein coeur du monde de 2017, sens dessus-dessous, où l’homme glorieux n’est plus, ne sait plus où chercher, ne sait plus que prier. Où le puissant ne l’est plus, où les certitudes vacillent et où les peuples déferlent sur les routes, dans des abris de fortune - ou sans abri.
Nous sommes en présence d’une oeuvre résolument moderne, mais pas seulement : intemporelle et universelle. Une oeuvre qui se questionne, et qui questionne.
« Et si au bout de leur tunnel ils ne trouvent rien, se demanda Bram, construiront-ils une échelle vers le ciel? » (p.178)
Brigitte Bastien-Septfonds
Honnête et prometteur
(Quentin Leclerc)
Cette petite oeuvre dense et précise traite de la condition humaine, vue par un échantillon d’elle-même (Bram), ainsi que par un oeil extradiégétique (le narrateur), qui replace cette condition humaine au même rang que la condition animale ou végétale : mue par des émotions et drames dont l’importance se perd dans l’immensité du temps et de l’espace. Aimantée par un trou noir - ou par des forces d’autodestruction. Tous les protagonistes, qu’ils soient humains ou éléments de la nature, sont mis au même niveau. Y compris le seul actant nommé, fil conducteur d’un écheveau dont il n’est qu’un fil, sans plus d’importance que les autres fils - y compris ceux qui se croient très importants.
Dès les premières lignes on est frappé par le classicisme apparent de l’écriture, tout à fait atypique si l’on considère qu’il s’agit d’une publication de 2017, de surcroît produite par un tout jeune écrivain (26 ans). L’exceptionnelle économie de moyens évoque le Pragmatisme : « Cela n’est pas tout à fait exact, mais l'est autant qu'il se peut faire en aussi peu de mots que possible. » (Charles Sanders PEIRCE). Ici, chaque mot a son importance, rien n’est ornement. Tout ce qui est dit est essentiel, extrêmement structuré. On pense également à l’école objectiviste, où l’auteur vise à s’extraire le plus possible de ce qui est dit : des faits, uniquement des faits.
Sauf qu’ici, ces faits sont fluctuants, sont ou ne sont pas, se réécrivent, car les frontières glissent et se dérobent. Frontières des faits, du temps, de l’espace, des apparences, des visages, de la vie et de la mort. L’extrême structure du roman intervient dans un monde dont la structure même semble fondre. Car si, comme nous le précise le titre, « La ville fond », le temps lui aussi semble fondre, à la façon des « Montres molles » de Dali. À cette distorsion du temps s’ajoute celle de l’espace.
La conjonction de ces trois éléments (neutralité du narrateur / distortion du temps et de l’espace / absurdité des situations) nous plonge en plein coeur du monde de 2017, sens dessus-dessous, où l’homme glorieux n’est plus, ne sait plus où chercher, ne sait plus que prier. Où le puissant ne l’est plus, où les certitudes vacillent et où les peuples déferlent sur les routes, dans des abris de fortune - ou sans abri.
Nous sommes en présence d’une oeuvre résolument moderne, mais pas seulement : intemporelle et universelle. Une oeuvre qui se questionne, et qui questionne.
« Et si au bout de leur tunnel ils ne trouvent rien, se demanda Bram, construiront-ils une échelle vers le ciel? » (p.178)
Brigitte Bastien-Septfonds