L’été 1914, le médecin tout frais émoulu Jean-Marc Montjean revient s’installer dans son village natal du pays basque. Ses fonctions lui font rencontrer Paul Tréville et sa piquante jumelle Katya. Fréquemment invité chez eux, il devient l’ami de la famille malgré le comportement souvent déconcertant de chacun de ses membres, et tombe amoureux de la jeune femme. L’état de confusion que ses visées sentimentales provoquent chez ses hôtes le place toutefois face à un mur : quel est donc ce douloureux secret qui semble ronger les Tréville ?
Une profonde mélancolie préside
à ce récit, entamé en 1938 parce que le bruit des bottes et la prescience d’une catastrophe à venir renvoient alors le narrateur au souvenir d’un autre gouffre, celui qui devait l’engloutir à la fin de l’été 1914. Cet été-là s’annonçait pourtant parfait. C’était encore pour l’insouciant jeune homme le début de tous les possibles, avant le drame et les désillusions. L’évocation de ce passé prend la saveur douce-amère de l’innocence perdue et du bonheur entrevu. Elle est une parenthèse de lumière qui s’ouvre et se referme, dans une résignation tragiquement désabusée.
C’est donc en s’attendant à la catastrophe que le lecteur se laisse emporter dans un retour en arrière à la saveur délicieusement surannée. Dans l’atmosphère un rien étouffante d’une petite station thermale où se recrée en miniature une société de classes et de convenances, la romance naissante prend très vite une coloration sombre et tourmentée, alors que se dévoile la psychologie de personnages troublants et mystérieux. Dans l’isolement de leur villa mangée par la végétation et la décrépitude, les Tréville, dont on dit qu’ils ont précipitamment quitté la capitale, rivalisent d’étrangeté. Lunaire, le père semble évadé dans son univers d’érudition, tandis que la fascinante complicité du frère et de la sœur, si étonnamment semblables, ne parvient pas à masquer l’ascendant singulièrement autoritaire du premier sur la seconde, pourtant impétueuse et volontaire. Le comportement lunatique de Paul, qui, maniant une ironie féroce volontiers menaçante, ne cesse de souffler le chaud et le froid dans son hésitation à accueillir ou à rejeter leur visiteur, déstabiliserait tout autre prétendant que le tenace Montjean. Il n’est pas jusqu’à une étrange présence fantomatique qui ne vienne épaissir le sentiment de malaise qui pèse sur le récit.
Il y a du Stefan Zweig dans l’écriture et la facture classique, mais aussi dans l’intensité psychologique de ce roman. Une ironie acide et un regard sans illusion sur la misogynie d’une société capable des plus bas instincts lorsqu’elle se sent libérée des convenances, sortent de l’ordinaire cette histoire de secret familial et d’amour contrarié au suspense prenant. Nonobstant son dénouement peut-être excessif, j’ai adoré l’élégance de la plume et le brio du récit, qui fait par ailleurs passionnément écho à la longue immersion de l’auteur en pays basque. Coup de coeur.
Intensité psychologique et ironie acide
L’été 1914, le médecin tout frais émoulu Jean-Marc Montjean revient s’installer dans son village natal du pays basque. Ses fonctions lui font rencontrer Paul Tréville et sa piquante jumelle Katya. Fréquemment invité chez eux, il devient l’ami de la famille malgré le comportement souvent déconcertant de chacun de ses membres, et tombe amoureux de la jeune femme. L’état de confusion que ses visées sentimentales provoquent chez ses hôtes le place toutefois face à un mur : quel est donc ce douloureux secret qui semble ronger les Tréville ?
Une profonde mélancolie préside à ce récit, entamé en 1938 parce que le bruit des bottes et la prescience d’une catastrophe à venir renvoient alors le narrateur au souvenir d’un autre gouffre, celui qui devait l’engloutir à la fin de l’été 1914. Cet été-là s’annonçait pourtant parfait. C’était encore pour l’insouciant jeune homme le début de tous les possibles, avant le drame et les désillusions. L’évocation de ce passé prend la saveur douce-amère de l’innocence perdue et du bonheur entrevu. Elle est une parenthèse de lumière qui s’ouvre et se referme, dans une résignation tragiquement désabusée.
C’est donc en s’attendant à la catastrophe que le lecteur se laisse emporter dans un retour en arrière à la saveur délicieusement surannée. Dans l’atmosphère un rien étouffante d’une petite station thermale où se recrée en miniature une société de classes et de convenances, la romance naissante prend très vite une coloration sombre et tourmentée, alors que se dévoile la psychologie de personnages troublants et mystérieux. Dans l’isolement de leur villa mangée par la végétation et la décrépitude, les Tréville, dont on dit qu’ils ont précipitamment quitté la capitale, rivalisent d’étrangeté. Lunaire, le père semble évadé dans son univers d’érudition, tandis que la fascinante complicité du frère et de la sœur, si étonnamment semblables, ne parvient pas à masquer l’ascendant singulièrement autoritaire du premier sur la seconde, pourtant impétueuse et volontaire. Le comportement lunatique de Paul, qui, maniant une ironie féroce volontiers menaçante, ne cesse de souffler le chaud et le froid dans son hésitation à accueillir ou à rejeter leur visiteur, déstabiliserait tout autre prétendant que le tenace Montjean. Il n’est pas jusqu’à une étrange présence fantomatique qui ne vienne épaissir le sentiment de malaise qui pèse sur le récit.
Il y a du Stefan Zweig dans l’écriture et la facture classique, mais aussi dans l’intensité psychologique de ce roman. Une ironie acide et un regard sans illusion sur la misogynie d’une société capable des plus bas instincts lorsqu’elle se sent libérée des convenances, sortent de l’ordinaire cette histoire de secret familial et d’amour contrarié au suspense prenant. Nonobstant son dénouement peut-être excessif, j’ai adoré l’élégance de la plume et le brio du récit, qui fait par ailleurs passionnément écho à la longue immersion de l’auteur en pays basque. Coup de coeur.