Dans Home, Toni Morrison est fidèle à son combat, celui de dénoncer les violences de la ségrégation et les blessures faites au corps et à l'âme du peuple noir.
Frank Money représente toutes les vicissitudes faites à son peuple. Sa famille fut chassée du Texas par les blancs. Réfugiée à Lotus chez les grands-parents, les parents mènent une vie harassante dans les champs de coton jusqu'à s'épuiser et laisser les deux enfants, Frank et Cee à la garde de la grand-mère Lénore, égoïste et méchante. Frank se sent investi de la protection de sa jeune sœur.
Seule issue pour lui,
il s'engage avec ses deux amis, Mike et Stuff, dans l'armée. Là, il supporte les atrocités de la guerre de Corée et reste impuissant devant la mort de ses deux meilleurs amis.
" Fini, les gens que je n'ai pas sauvés. Fini, regard mourir les gens qui m'étaient proches. Fini."
Aussi, à sa démobilisation, pourtant meurtri par les cauchemars de guerre, blessé par les attaques de rue, Frank traverse le pays pour rejoindre sa sœur en danger.
Au travers de ce voyage, Toni Morrison évoque la ségrégation, le soutien des frères de la même communauté, le maccarthysme, l'eugénisme, les violences de la guerre.
Home est un roman court mais percutant avec de très beaux personnages comme Frank mais aussi Lily, sa petite amie qui lutte pour s'en sortir ou Billy qui aide spontanément Frank. Cee est le symbole de la souffrance depuis sa naissance mais aussi celui de la survie.
Le roman est remarquablement construit avec un même évènement en début et fin de livre qui montre toute l'évolution des personnages, leur quête de rédemption et leur volonté de retour aux racines. L'auteur insère des paragraphes en italique qui cadre la véritable histoire grâce aux confessions intimes de Frank.
Thomas, le jeune fils de Billy exprime toute l'humanité de ces êtres meurtris avec cette jolie réponse:
" -Quel métier tu veux faire quand tu seras grand?
De la main gauche, Thomas tourna la poignée et ouvrit la porte.
- Homme, répondit-il, puis il sortit."
Une lecture en demi-teinte.
Ce livre me laisse un souvenir en demi teinte. J'ai aimé le style haché, le destin des personnages, leur courage face à l'adversité, en filigrane la critique de cette Amérique raciste et ignorante. Et à la fois je me suis sentie tellement mal à l'aise, la lecture a été difficile car brute et sans fioriture. C'était le premier roman de Toni Morrison que je lisais peut être ai-je été un peu trop ébranlée. Ce livre m'a fait mal car ce qu'il décrit est insupportable. Mais ce sont ces livres qui nous marquent et qui laissent des traces