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Selon une opinion répandue, l'art nous détournerait de la réalité. Les ouvres d'art seraient autant d'échappatoires commodes, de modes d'évasion privilégiés d'un quotidien étouffant. Mais que le monde créé par l'artiste soit le produit de son imagination, cela suffit-il pour en conclure qu'il se réduit à l'expression d'un point de vue purement individuel, nécessairement subjectif, capricieux et fantasque ? Dans « Du génie », tiré du Monde comme volonté et comme représentation, Arthur Schopenhauer (1788-1860) montre, bien au contraire, que quand l'artiste accompli nous « prête ses yeux pour regarder le monde », il nous offre l'opportunité de le voir enfin tel qu'il est.
Car, « dans le particulier voir toujours le général, voilà le trait caractéristique du génie ». Dès lors, si l'art nous détourne de la réalité, c'est seulement d'une réalité superficielle et étriquée, que faussent les exigences de nos besoins et notre recherche utilitaire. Le monde pourtant ne saurait s'y réduire. L'art du génie est ainsi le véritable parent de la philosophie : il ouvre à un dévoilement plus large et plus juste, de nous-mêmes comme de ce qui nous entoure.