Léon Chertok présentait ce livre comme " une véritable prise de conscience ", une brusque " prise de contact avec la réalité ". Dans ce livre, deux auteurs voisinent : le chercheur présentant ses résultats, construisant le problème de l'hypnose entre la psychanalyse et la biologie d'un côté et, de l'autre, l'hérétique qui va consacrer tous ses efforts à dénoncer la thèse officielle selon laquelle la psychanalyse aurait fait " rupture " avec l'hypnose.
Pourtant, les expériences présentées dans ce livre sont elles aussi profondément hérétiques : " Je sais que pour avoir l'air sérieux en psychologie expérimentale, il faut obtenir des résultats reproductibles, faire des statistiques, mais ce type d'expérimentation systématique m'ennuie à mourir. " C'est ce refus de s'ennuyer qui l'amena à la démarche la plus risquée : renouer avec la vieille tradition des magnétiseurs.
Mais en psychologie, la succession monotone de mise en chiffres et en échelles est-elle la condition d'une recherche " sérieuse " ou bien ne vise-t-elle qu'à masquer la différence qui sépare l'expérimentation créatrice des physiciens, des chimistes, des biologistes moléculaires et l'expérimentation bureaucratique qui préside en psychologie ? Pour les chercheurs en psychologie expérimentale, le laboratoire pourrait bien ne pas être un lieu de risque, mais a contrario une forteresse qui les protège.
Léon Chertok aimait présenter l'hypnose comme une énigme qui se rit des définitions, une énigme à déchiffrer, non à respecter, mais surtout une énigme dont nous ne savons pas ce qu'elle met en jeu et qui oblige à la lucidité quant à ce que nous croyons savoir. Aussi curieux que cela puisse paraître, ce grand défenseur de l'hypnose n'en était pas un adepte. S'il désignait l'hypnose comme nécessaire à la formation de l'analyste, c'était précisément parce qu'il ressentait comme quelque peu ridicule la position de l'hypnotiseur. Ce qui, en revanche, l'intéressait, ce qui le hantait, et qu'il ne pouvait supporter, c'était l'oubli, la possibilité que ce qui pose problème puisse être recouvert par l'oubli. Léon Chertok demandait que l'on s'intéresse à l'hypnose en tant " qu'empêcheuse de penser en rond ". Il exigeait ainsi ce qui est le plus souvent défini comme le contraire de l'hypnose : c'est-à-dire la mémoire, la vigilance et la lucidité.